Conférencier : M. Jean HEUCLIN docteur HDR – Professeur émérite - doyen honoraire de l’U.C. Lille
Le siège de la place-forte de Maubeuge - entre le 25 août et le 8 septembre - fut le plus long de la phase d’invasion en 1914 alors que le rouleau compresseur allemand remportait sans coup férir les batailles de Mons et Charleroi (21-24 août 1914) puis celles de Guise-Saint-Quentin (29-30 août) jusqu’au coup d’arrêt des batailles de la Marne (5-10 septembre).
Cette résistance suscita avant la fin même du conflit une polémique et amena toute une littérature franco-française dont les principaux auteurs furent le commandant Paul Cassou et le général Clément-Grandcourt. Le procès, en avril-mai 1920, du gouverneur de la place le général Fournier fut le point principal de fixation et de crispation du débat. L’enjeu était, à postériori, d’objecter que si place-forte avait tenu une journée de plus, le sort de la guerre en aurait été changé en permettant aux généraux Haig et Franchet-d’Espérey de s’enfourner dans la brèche entre les deux principales armées allemandes mise en évidence lors de la retraite de la Marne comme l’a montré le général von Khul.
Paradoxalement, dans cette controverse le point de vue allemand sur le siège fut ignoré et l’on se garda bien de citer l’ouvrage, en référence, publié à Berlin en 1921 par le vainqueur, le général d’infanterie Hans von Zwehl : « Maubeuge – Aisne - Verdun. Le VIIe Corps de Réserve dans la Guerre mondiale depuis son début jusqu’à la fin 1916 ».
La lecture intégrale et en parallèle des sources allemandes et françaises mettent aujourd’hui à mal la légende - gravée dans le bronze à Maubeuge[5] – d’une victoire remportée par 60 000 allemands, ce qui constituait près du tiers de la IIe armée de von Bülow ! Elles interrogent sur la part d’ignorance et d’abandon par le GQG et le ministère de la guerre du général Fournier mais aussi de l’OHL allemand qui sous-estima l’importance de la garnison et ne délivra qu’avec parcimonie les obus d’artillerie nécessaires à la réduction de la place. En dernier ressort, elles questionnent- à l’instar de la prise de Lille en octobre 1914 – sur la part « d’oubli » volontaire ou non de cette longue bataille du siège de Maubeuge, la nature politique même du procès Fournier est mise en évidence ainsi que la mise à l’écart du généralissime Michel prévoyant de concentrer l’armée française entre Lille et Maubeuge au profit du plan XVII – attentiste - de Joffre !
Le général Hans von Zwehl, militaire conservateur et nationaliste, nous fait part de ses inquiétudes devant la tâche à accomplir. Il ne dispose initialement que d’une seule division (15 000 hommes), du tiers des batteries d’artillerie lourde prévue par le plan Schlieffen. La menace d’un débarquement Anglais à Ostende le 5 septembre et la demande d’envoi de la 26e brigade pour soutenir les troupes engagées sur la Marne vont inciter à accélérer la prise des forts par la combinaison de l’action de l’artillerie avec l’avance des pionniers recommandée par le général Steinmetz. La tâche fut accomplie avec l’arrivée de la 13e ID du général Von Khüne le 7 septembre. La longueur du siège s’explique ainsi par l’isolement tactique et l’abandon stratégique de Fournier mais aussi par la faiblesse des troupes d’investissement et le manque d’obus pour l’artillerie allemande.